lundi, 04 février 2008
Blousons noirs le 6 janvier 1961
Les blousons noirs de ce numéro de ELLE du 6 janvier 1961, ce n'est pas le titre d'une série mode sur des petits cuirs devenus indispensables. Non, les blousons noirs, ce sont ces adolescents maudits qui se sont confiés à Jean-Jacques Delacroix. C'est que ça rigole pas. L'article commence ainsi : Les bans de mariage de L'Eponge ont été publiés ce matin à lamairie du XVIIIe. L'Eponge rêve : toute la soirée il a été absent, ailleurs. Je demande : "Et ta fiancée, tu n'es pas avec elle ?" Il répond sobrement : "Je l'ai plaquée". La bande qui connaît déjà les raisons de la rupture, approuve, unanime : "Il a bien fait, hurle La Souffrance, les gonzesses faut les dresser." L'Eponge, donc, ce matin, était très ému, si ému qu'après avoir signé sur le registre de la mairie, il n'a pu se retenir de lancer une plaisanterie, jugée de très mauvais goût par la fiancée : "Tu vois, a-t-il dit, devant l'adjoint au maire et la secrétaire de l'adjoint, la prochaine fois qu'on viendra signer ici, c'est que le gosse sera né !" La fiancée, enceinte de trois mois, a rougi jusqu'aux yeux : "Tais-toi, t'es déplacé, tu me fais honte." Elle a éclaté en sanglots. L'Eponge a pris à témoin la secrétaire : "Elle m'a connu tel que je suis, elle va pas faire de moi un gars tout neuf", il a arraché d'un carnet quatre tickets d'autobus et il a chassé sa future femme : "Tiens, rentre chez toi. C'est pas moi qui reviendrai le premier." Ah ça non, ça rigolait pas, avec les blousons noirs...
Jean-Jacques Delacroix explique plus loin que L'Eponge, 19 ans, né de père inconnu et ex-détenu de la centrale de Saintes, ne se soucie pas de respectabilité mais aurait voulu "être heureux avec elle, car quand j'étais petit, j'ai jamais été heureux". Gilberte, la fiancée, a 21 ans, elle est dactylo chez un marchand de charbon, et c'est désormais à elle de faire un geste : la loi de la bande est implacable, l'honneur de L'Eponge sera mort s'il revient vers sa Gilberte.
Jean-Jacques Delacroix explique quelle est l'immense tâche des éducateurs face à ces adolescents en manque d'idéal. Sa conclusion est pessimiste : Le monde est en crise : des spoutniks tournent autour de la terre à 28.000 kilomètres à l'heure et dans les rues des métropoles, des adolescents désespérés se battent contre les fantômes.
Côté people, Brigitte Bardot permet à ELLE de faire de la figuration intelligente. Sur le tournage de La Bride sur le cou, Bardot, productrice, a voulu que son journal fétiche figure dans ce film qui raconte l'histoire d'une cover-girl et d'un photographe de mode. Vadim est à la réalisation.
Un gros dosssier est consacré aux cheveux, avec les conseils d'Alexandre, le coiffeur des princesses et des reines, installé rue du Faubourg Saint-Honoré. La frange sophistiquée donne le départ à une coiffure en hauteur devant, ramenée sur les oreilles en vague douce.
La frange sage s'effiloche sur le front. Les cheveux lisses sont retenus par un noeud de velours.
Plus de légende pour cette photo, arrachée avec les seules pages qui comportaient un peu de mode et étaient consacrées au Bon Magique, un pêle-mêle de jupons clochés.
Il reste un émorme dossier sur le linge de maison, qui s'ouvre sur cette curieuse illustration mettant en scène une poupée glissée dans des draps poids plume.
Les nappes sont sans souci et prennent de la couleur.
Dans la salle de bains, une grande idée, chacun sa famille éponge. Du sobre sombre pour lui, du pastel et du romantique pour elle, du frais pimpant pour la petite Elle, de la bouclette veloutée, absorbante, pour tous.
Dans ce numéro décidément très ménager, Mapie de Toulouse-Lautrec livre ses recettes pour cuisiner hiver bon et économique.
ELLE lance en ce début d'année une opération lectrices-rédactrices. Marie-Luce reçoit mille francs pour l'inaugurer (pour un ELLE à 0,70 F, soit 3.285 € pour un ELLE à 2,30 €). Elle est chargée de raconter comment elle se débrouille entre son mari et ses enfants. Elle habite dans l'Ain, à Ambérieu-en-Bugey, commune de 8.000 habitants à 40 km de Lyon. Son mari est fonctionnaire à EDF, ses deux enfants ont 5 et 4 ans, elle est originaire de Nantes et a envoyé à ELLE une lettre où elle disait en substance : Si trois ans après mon mariage, on m'avait demandé : "Etes-vous heureuse ?", j'aurais certainement éclaté en sanglots. Et expliqué que la vie d'une mère de famille était lamentable, obscure, avilissante, et qu'en fin de compte, je n'étais bonne qu'à faire la vaisselle. La suite du récit tient du bilan auto-culpabilisant, de l'autopersuasion façon méthode Coué, à base de recettes de coquetterie grâce à des choses pas trop chères (il faut être raisonnable) des tabliers fantaisie sur le marché, des pyjamas amusants à Prisunic, grâce à des passages chez le coiffeur (indispensable même si le mari n'est pas content) et surtout, grâce au remplacement d'une dent perdue qui empêchait Marie-Luce de rire. Et puis les enfants ont fini par rentrer à la maternelle, Marie-Luce a plus de temps pour faire son travail... à la maison. Les vaisselles ? Sornettes : ce n'est rien quand on est heureuse. Trois à quatre fois par an, Marie-Luce va au cinéma, avec une voisine qui a un fils également très jeune : "Nous gardons les enfants pendant que Mesdames s'amusent" disent nos maris mais ils le disent en riant.
La conclusion de Marie-Luce ? Le métier de ménagère doit se faire par petites touches. Quand on en comprend la variété, il finit par être intéressant. (...) Son salaire est plus subtil que celui des autres : il se lit sur le visage heureux des enfants et du mari.
Pour une prochaine rubrique, ELLE invite ses lectrices à lui confier les trucs qui leur permettent d'avoir maison nette et coeur content.
Vivement lundi prochain !
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lundi, 28 janvier 2008
L'Abbé Pierre le 15 février 1954
Ce n'est donc pas d'aujourd'hui que ELLE fait sa couv' avec des épouses de présidents de la République, ou ex-mannequin assimilée. Le 15 février 1954, Madame la présidente c'est Mme Coty. Elle a le nom de son mari, et pas de prénom. C'est juste Madame Coty. Elle n'est guère glamour et pas davantage bling-bling. Du coup, c'est le fauteuil qui occupe le premier plan.
Madame Coty et sa petite-fille Janine n'ont fait que bien écouter le photographe, nous précise-t-on. C'est le fameux hiver 1954, si froid et si difficile pour les mal logés de l'Après-guerre. L'Abbé Pierre donne de la voix. Madame Coty est allée le voir.
Et à embrassé au passage un nouveau-né que ELLE tente de faire passer pour un bambin de six mois.
On n'en saura pas davantage sur Madame la Présidente mais le magazine en profite pour consacrer un dossier à l'action de l'Abbé Pierre.
De la construction de l'entrepot à Neuilly-Plaisance en 1952.
à son fonctionnement en 1954.
Le reportage montre aussi comment les maisons "en dur" remplacent peu à peu rolottes et camionnettes, à gauche 1952, à droite 1954..
Côté mode, on salue l'arrivée prochaine du printemps... avec des manteaux. Le prêt-à-porter est plus dynamique, plus jeune, plus réussi que jamais. Le prêt-à-porter fait alors encore figure de nouveauté. Les patrons et tailles mannequins sont mis au point par des spécialistes. Des scies circulaires coupent d'un seul coup un matelas de 500 épaisseurs s'émerveille ELLE. Les machines donnent 5000 tours-minute, cousent des pourlets invisibles en 59 secondes et les boutons se fixent comme par enchantement.
Le printemps, c'est aussi des robes, toutes en soie, qu'il s'agisse d'organdi ou de shantung.
Et les tailleurs sont bien plus jolis en couleurs.
Pour celles qui cousent encore elles-mêmes ou s'adressent à leur couturière, les tissus de printemps sont prêts. Au programme notamment des tweeds d'été bleu pâle et des alpagas crème.
Dans 15 jours ce sera Mardi Gras et on est invité à se déguiser. Mes modèles préférés sont sans conteste M. Permis et Mlle Auto-Ecole, en haut à droite.
Côté beauté, ELLE propose une preuve par 9. On ne parle pas encore de detox. Mais une cure de désintoxication est pourtant déjà conseillée une fois par mois, durant 24 heures, à base de bouillons et de tisanes.
Le logement reste au coeur des préoccupations du moment et en fin de journal, on trouve le dernier prototype de la préfabrication française. Une maison pour débutants qui pourra être agrandie par la suite. La maison coûte 2.700.000 F pour 88 mètres carrés habitables (pour un ELLE à 50 F, soit 124.200 € pour un ELLE à 2,30 €).
Le coin-repas communique avec la cusine grâce à un meuble passe-plat.
Vivement lundi prochain !
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lundi, 21 janvier 2008
Avant/Après le 10 février 1975
Moi qui "lis" ELLE depuis toujours, j'ai été marquée à la fin des 70's par les avant/après. Une lectrice lambda se voyait proposer une leçon de coiffure et de maquillage. Jusqu'à il y a peu, ELLE poursuivait l'expérience, dans son spécial beauté d'automne notamment, en ajoutant un coup de vent sur le dressing des "cobayes". Et puis plus rien. Faut dire que des émissions de télé, et pas forcément les plus prestigieuses, se sont emparées depuis du concept.
En ce 10 février, ELLE inaugurait cette nouvelle rubrique avec Charlotte, 21 ans, et en faisait sa une. Pourtant, il faut atteindre la page 91 pour retrouver la page Une autre vous-même, avec cette fois Béatrice, chef de publicité, 26 ans, mariée.
Pour cette dernière, même ELLE, comme l'intéressée, n'est pas tout à fait convaincu par la transformation. Le maquillage, trop appuyé, la vieillit, la coiffure est à décoiffer. Il faudra chercher un moyen terme, dit ELLE.
Le magazine propose à ses lectrices de suivre une semaine de collections, qu'on n'appelle pas encore Fashion week. Dior, c'est par exemple le grand chic parisien avec des imprimés pointillistes et des robes en soie. La semaine des collections, en 1975, on est encore très loin des Sartorialisé(e)s d'aujoujourd'hui.
Côté mode, une série bleu marine et blanc qui commence sans couleur avec entre autres des chaussures bicolores de Camille Unglik pour Lario qui ressembleraient presque à nos richelieux.
Double page suivante, un polo en crèpe de Chine de Karl Lagerfeld pour Chloé.
Les vêtements de grande forme proposent du training, pour être dans l'air du temps, qui veut qu'on se lève tôt le matin, pas pour travailler plus mais pour faire du footing ou du vélo.
Ou même du foot dans la forêt.
Plein de déco, dans ce numéro. On cache sa télé et sa table toute moche sous une drôle de cagoule en plastique blanc. Une idée de John Stefanidis pour sa maison à Londres. Et on n'oublie pas de laisser le dos à l'air libre.
On passe ses meubles de style à la peinture argent. Comme quoi l'insupportable Damidotte n'a rien inventé.
On peinturlure les murs en famille et entre amis, comme chez les Jones (écrivain et actrice) qui laissent des peintures à portée de main pour leurs visiteurs.
On brode sa nappe au point de noeud. Un Bon Magique, tout comme les verres.
Autre Bon Magique, un blouson mixte en jean et un foulard western, 130 F et 12 F pour un ELLE à 4 F (soit 74,75 € et 9,20 € pour un ELLE à 2,30 €).
L'exotisme est à la mode et le Printemps expose l'Extrême-Orient du 8 février au 5 mars. On pourra même acheter les éléménts qui ont servi à la déco des vitrines du grand magasin, il suffira de se rendre à Clichy.
Et comme à ELLE on est organisé, on présente déjà, en dos de couverture, de quoi sera faite la semaine suivante. En l'occurrence, on sera garçonne ou lionne, on se mettra au tricot et on visitera un immeuble du XVIIIe siècle près du Panthéon.
Vivement lundi prochain !
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lundi, 14 janvier 2008
Dissection de la beauté le 18 juin 1946
Cette semaine, après le premier ELLE vintage des années 70, voici le premier des années 40. Le magazine a éré créé le 21 novembre 1945. A peine plus de six mois après sa création, il ne comporte encore que 24 pages. Les touches de couleur restent rares. Il n'y a pas de sommaire.
Côté people, Colette apparaît avec Kochno, animateur des ballets des Champs-Elysées, invitée en voisine, avec Cocteau, au Grand Véfour, par Christian Bérard.
ELLE se réjouit du tournage du film Il suffit d'une fois, qui réunit onze femmes dans l'équipe de tournage, parmi lesquelles le metteur en scène et l'auteur. C'est une grande première. Edwige Feuillère fait partie de la distribution. Le moins qu'on puisse dire est que l'entreprise, quoique louable, n'a pas marqué l'histoire du cinéma...
Marcelle Segal n'est pas encore là avec son courrier du coeur, mais il y a le Docteur Gilbert Robin ! Il répond à la lettre de Christiane, 15 ans, très malheureuse parce que ses parents viennent de se séparer. Les parents de Christiane sont des égoïstes, juge le bon docteur. Tant pis. "Déjà, par ce coup, la voilà femme. Courage, Christiane !"
La beauté se dissèque en quatre types et une double page, le romantique, l'apprêté, l'exotique et le "natuel", ce dernier étant pourvu de guillemets. Les quatre se portent à l'américaine.
A noter que le naturel est dépourvu de maquillage, hormis un rouge clair essuyé et lissé sur les lèvres, mais assorti d'un bracelet à clochettes autour de la cheville.
Une seule et même femme incarne ces quatre types. Elle se prénomme Marguerite, a les yeux bleus, et par goût, elle est de type D, autrement dit sportif.
Côté mode, Jacques Fath, qualifié de jeune couturier atomique né de la guerre présente La Bocca, un paréo à transformation vendu 42.350 F... pour un ELLE à 15 F ! Un rien, en somme, comme souligne la rédaction.
La mode est aux robes les jours où il faut être belle, plus que belle.
Elles sont irrésistibles et signées Jacques Fath, Lucien Lelong ou Pierre Balmain.
Les lectrices sont invitées à mettre des points sur les I de leur tailleur. Ce sont les accessoires choisis avec génie qui lui donneront son air à la page. A l'exception peut-être de la toque de mousseline à pois nouée sur le côté, tout ce qui est présenté, les gants de daim carmin et le sac bourse assorti, les chaussures Perugia
et la blouse de mousseline rose signée Hermès pourraient bien ravir les filles d'aujourd'hui éprises de vintage.
Celles qui voudraient porter la belle marinière sur un short blanc, elles ont toutes les explications pour la tricoter elle-même en bleu marine et blanc.
La rédaction mode est formelle, Non ! Ce n'est pas une folie d'avoir un paletot rose ! L'été nous invite aux teintes claires; Mais n'est-ce pas un peu extravagant, alors qu'il faut avant tout être pratique, de se vêtir de rose, de pervenche, de citron ou de vert tendre ? Non, si on choisit bien. Si on choisit par exemple le modèle rose buvard dont les explications seront envoyées aux lectrices en échange de 60 F.
Une mine, ce paletot ! Il se porte sur une robe du soir en mousseline noire, à se fabriquer avec 4,75 m de tissu.
Mais aussi sur une robe de plage de toile rouge grenat, ou sur un short de toile blanche. Les explications sont également à acheter, pour 60 F, au journal. L'ère du prêt-à-porter est encore bien loin.
Vivement lundi prochain !
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